Dans le Nord-est du pacifique, entre la Californie et Hawaï, les déchets produits par les activités humaines et déversés dans les océans seraient acheminés par les courants marins vers un nouveau “continent”* boulimique dont la taille atteint près de 3,5 millions de km² !
Selon des observations et un suivi effectués depuis plus de 10 ans par l’Algalita Marine Research Foundation, sous l’effet des courants marins, les déchets provenant des littoraux et des navires flottent pendant des années avant de s’accumuler dans deux larges zones connues sous les noms de “Plaque de déchets du Pacifique est” (Eastern Pacific Garbage Patches) et “Plaque de déchets du Pacifique ouest” (Western Pacific Garbage Patches). Ces deux plaques forment la “Grande plaque de déchets du Pacifique” (Great Pacific Garbage Patch), un monstre dont la taille aurait déjà triplé depuis les années 90 et qui s’étendrait maintenant sur 3,43 millions de km², soit un tiers de la superficie de l’Europe ! Il est estimé que ce “continent” de déchets totalise un poids de 3,5 millions de tonnes pour plus de 3,3 millions de déchets par km² ; Greenpeace évoquait fin 2006 près d’un million de déchets par km² dans son rapport sur les débris plastiques et la pollution des océans.
La plaque de déchets du Pacifique flotterait entre Hawaï et la Californie avec une taille deux plus fois importante que l’état du Texas ! La Plaque de déchets du Pacifique ouest se trouverait à l’est du Japon et à l’ouest d’Hawaï.
Ainsi, selon Chris Parry, chef de programme d’éducation du public, de la California Coastal Commission de San Francisco, depuis plus de 50 ans, les déchets tourbillonneraient sous l’effet du grand vortex nord-pacifique (North Pacific Gyre) et s’accumulent dans cette zone peu connue . En effet, peu de routes commerciales et peu de bateaux de pêches l’empruntent. A l’image d’un puissant trou noir marin, le vortex attirerait vers lui tous les résidus de notre gabegie insensée. Toutefois, contrairement au trou noir, les déchets ne sont pas “aspirés” mais accumulés et bien visibles.
Le plastique : principal constituant du “continent” de déchets
Jusqu’alors les débris flottants étaient détruits par les micro-organismes mais cela n’est plus le cas avec l’arrivée du fameux plastique. En effet, les plastiques constituent 90 % des déchets flottant sur les océans. Le Programme des Nations Unies pour l’Environnement mentionnait en juin 2006 qu’on trouve en moyenne 46 000 morceaux de plastique par 2,5 km² d’océan sur une profondeur d’environ 30 mètres ! Pire, en certains endroits, la quantité de plastique est six fois supérieure à celle du plancton, maillon élémentaire de la vie dans les océans (Charles Moore, Algalita Foundation)
Selon Greenpeace, sur les 100 millions de tonnes de plastique produits chaque année, près de 10 % finissent dans les océans. Et 70 % des plastiques qui s’aventurent en mer coule et le reste flotte naviguant au grès des courants…
Un “continent” mortel
Ce qui pose problème c’est le temps nécessaire à la dégradation de ces plastiques (estimé entre 500 et 1000 ans) et la toxicité des éléments qui les composent. Petit à petit, ils se morcellent et peuvent être ingérés par les animaux marins, l’exemple le plus classique étant la tortue qui s’étouffe avec des sacs plastiques assimilés à des méduses. Avec de telles concentrations de plastique, toute la chaîne alimentaire est affectée puisque les plus petits morceaux sont ingérés par de petits poissons qui seront à leur tour mangés par de plus gros… Greenpeace estime qu’à l’échelle de la Terre, environ 1 million d’oiseaux et 100 000 mammifères marins meurent chaque année de l’ingestion de plastiques.
De plus, les débris de plastique fixent les polluants organiques persistants (POP), connus pour leur nocivité et leur capacité à voyager autour du globe. Ainsi, DDT et PCB se retrouvent dans des morceaux de plastique à des concentrations jusqu’à 1 million de fois supérieures aux normales !
Ce “continent” attirerait malheureusement des animaux marins comme les pélicans et les tortues marines dont l’espérance de vie se trouverait alors diminuée. Au total, plus de 267 espèces marines seraient affectées par cet amas colossal de déchets selon le rapport de Greenpeace.
Que faire ?
Malheureusement, le nettoyage de cet océan de déchets semble insurmontable, la superficie à couvrir est trop importante et les coûts seraient colossaux selon Marcus Eriksen, directeur de recherche et d’éducation à la Algalita Marine Research Foundation : “il n’y a rien que nous puissions faire maintenant, à l’exception de ne pas faire plus de mal.” De plus, cela serait dommageable aux organismes vivant tant bien que mal sur ce nouvel “eldorado”.
En attendant d’avoir plus d’éléments corroborant l’ampleur de ce phénomène - notamment par des photos aujourd’hui introuvables sur les nappes de déchets plastiques - une nouvelle mission de l’Algalita Marine Research Foundation est partie en mer en septembre 2007.
Une fois de plus, la surconsommation serait à l’origine de dégradations dont l’ampleur dépasserait la fiction. Et ce n’est pas pour nous rassurer, mais toute l’agitation “verte” actuelle ne semble rien n’y changer… Plus que jamais, nous avons tous un rôle à jouer, notamment en cette période de fêtes où l’opulence frise l’écœurement.