Faut-il rechercher puis sanctionner les officiers qui ont critiqué le Livre blanc sur la défense, en se cachant sous le pseudonyme de Surcouf ?
Manifestement, il y a un net désaccord entre le ministre de la Défense Hervé Morin et le chef d’état-major des armées, le général Jean-Louis Georgelin. Lisez plutôt. Jeudi, le ministre donne une longue interview à l’hebdomadaire Valeurs actuelles. Voici ces propos.
“Avez-vous lancé une enquête pour identifier “Surcouf” (…) ?
Si les auteurs de cette tribune sont connus, ils devront assumer la violation du devoir de réserve imposé par la loi et le statut militaire. De même, lorsqu’il y a des fuites, sachez que je demande systématiquement des enquêtes à la direction pour la protection et la sécurité de la défense (DPSD). Je l’ai dit aux chefs d’état-major au début de la réforme : si on identifie tel ou tel à l’origine des fuites, il quittera ce ministère dans la seconde, qu’il ait des galons ou des étoiles. Je leur ai dit de transmettre ce message à tous leurs subordonnés.
Les critiques ne sont donc plus autorisées !
Je suis chargé de faire respecter le statut militaire et les critiques publiées sont infondées.”
Et voici ce qu’a déclaré, vendredi matin (donc après avoir lu l’interview du ministre), le général Georgelin au micro de Europe 1.
“Ce que je peux vous dire, c’est que je ne veux pas de chasse aux sorcières dans les armées et j’ai fait en sorte que ce type d’enquête cesse. Je ne veux pas de chasse aux sorcières dans les armées, je connais trop l’histoire de l’institution militaire pour savoir les dégâts qu’ont causés des actions similaires dans le passé”
Jean-Pierre Elkabbach : “Quand l’enquête donnera les noms ou les retrouvera, est-ce qu’ils seront exclus de l’armée ?
Général Georgelin : “Nous verrons. Bien sûr que non.”
En parlant des “dégâts qu’ont causés des actions similaires dans le passé”, le général Georgelin pensait sans doute à l’affaire des fiches. En 1904, le ministre de la guerre, le général Louis André, avait entrepris de ficher les officiers en fonction de leur conviction religieuse. Avec l’aide du Grand Orient de France, envrion 20.000 fiches avaient été établies, afin d’écarter des promotions les officiers catholiques. Révélée par l’homme en charge de centraliser ces fiches, l’affaire déclencha un énorme scandale, à la veille de la séparation de l’Eglise et de l’Etat (1905).