Pour changer, on ne fait rien comme tout le monde, on s’oppose ! Fièrement, nous résistons à la branlette incantatoire autour de la crise. Pas de cours d’économie politique, pas d’analyse généraliste, pas de prophétie, nada, rien ! On ne sait pas mais pas sans courage : on l'avoue, on le revendique même !
On ignore où va cette crise, on se demande même si crise il y a.
Que les « traders » et autre Kerviel du viol de marché se mordent les doigts et moins leur cuillère en argent, rien de plus certains. Mais ces bébés requins en costume rayé et les gros pèlerins qui les chapeautent, ils représentent quoi exactement ? On ouvre alors un manuel d’économie - bon d’accord un « anti-manuel » - et on y lit :
« Il y a 250 sociétés non financières cotées à Paris. Sur les 250, 85% ont plus de 10000 salariés. Or 99% des entreprises privées en France ont moins de 500 salariés et représentent 90% de l’emploi privé et à peu près autant du capital privé. Les grosses entreprises publiques, (…) ne sont pas cotées. Le capital boursier est donc une infime partie du capitale de la nation. »
Le scandale, ce n’est pas le capital qui se prend les pieds dans sa planche virtuelle à billet. Le scandale c’est le fossé entre la classe d’hyper-possédants et les millions de précaires et de précarisés… Et bien ce fossé, ce n’est pas la crise, le crack ou une dégringolade quelconque qui l’a creusé. C’est une économie en pleine santé qui a pelleté des tonnes d’humains pour le bénéfice de quelques uns.
Alors une crise populaire, ça ressemble à quoi ? Que peut-on craindre, que doit-on espérer aussi ? Un vrai gouffre qui bouffent jusqu’aux micro-épargnants, l’Argentine l’a connu fin 2001 : Economie « dollarisée » et poisons du FMI pour euthanasier jusqu’aux derniers qui, en matière de précarité, sont toujours les premiers… Le Peuple argentin dans la rue, la police, du sang, des morts et pourquoi, pour quels résultats ? Malgré un quart de chômeurs et plus de la moitié de ses habitants sous le seuil de pauvreté (au plus fort de la crise), le pays « argent » n’a pas fondamentalement changé. Le peuple y préfère toujours les péronistes à Peron, le justicialisme n’est plus la justice. Les crises économiques ne font pas forcément les révolutions ou les bouleversements politiques. Inversement, les grands changements ne sont pas fatalement assis sur la banqueroute. Notre crise à nous peut donc accoucher d’une souris type Kirchner, Bachelet ou Ségolène…
Au-delà de l’économie, nous souffrons de l’économisme. Nous voyons tout à travers elle, tout pour elle. Euro fort, croissance, CAC 40 mais pour qui, pourquoi ? Les chiffres nous aidaient à traduire les réalités, ils sont devenus une fin… Qu’importe 5%, 10% ou 30% de chômeurs, quand l’emploi devient une lutte, les stages se multiplient, quand il devient raisonnable de préférer les minima sociaux à un revenu d’activité… Se réjouir d’une éventuelle reprise, des bénéfices de « nos » entreprises ? Elles licencient aussi quand les profits sont là, pour « maximaliser », pour « rassurer » l’actionnaire… Comment comptabiliser par contre la perte de la communauté, de la religion, de la nation, bref du lien collectif ? Du beau, du vrai lien, le seul lien qui compte : le lien gratuit, le don…
Opposer aux centaines de milliards injectés par les états, les 40 qui permettrait (chaque année) l’accès planétaire à l’eau, aux soins et à l’alimentation de base, c’est déjà raisonner dans les limites du Système, dans les bornes de l’état mondial, fût-il un état providence. Même chez les vieux marxistes, les nouveaux gauchistes et les humanistes de toujours, le rationnel frappe, reste total. Tout doit se régler par un gros chèque. Or aucun virement ne remplacera la disparition des cultures vivrières en Afrique ou la dissolution du lien gratuit chez nous.
« Le dollar est la puissance supérieure, parce que les Etats-Unis sont la puissance supérieure. »
Le 1er octobre dernier, avant que le monde ne soit pendu au yoyo des chiffres, l’impérialisme états-unien lançait « africom » : son commandement unifié pour l’Afrique. C’était le continent manquant, au moins formellement. Alors décrochons de cette seringue saturée de 0 et de 1, de ce « fix » financier à l’échelle de la planète et revenons aux faits, à une réalité toute simple :
Celui qui tient la baïonnette ne connaît pas les dettes…