Ingrid, pardonnez-moi cette familiarité de l’émotion et de la communion entre frères de baptême, au sein de notre Église apostolique et déjà, grâce à vous, un peu colombienne. Mais nous vous admirons tant, enfants de Don Quichotte ou fils de la télé, que depuis la très belle nouvelle, littéralement l’Évangile de votre libération, et surtout de votre santé miraculeusement rétablie, nous flottons. Dans le bonheur irréel qui nous fait tout oublier. Même le Tour de France qui pourtant nous occupait tous les mois de juillet et même nos vieux tee-shirts avec le portrait du Che.
Nous ne voyons plus que par votre image mariale immaculée, puisque vous nous êtes revenue sans la moindre tache. Ni du soleil de l’Équateur, ni de la poudre de vos libérateurs. Pas un seul coup de feu n’a été tiré. Rien que des feux de l’amour et de la seule poudre pour les yeux.
Il faut féliciter ce professionnalisme des grands soldats de l’armée colombienne et surtout leur service de santé qui en quelques heures vous a permis, à vous l’Ingrid de la cassette vidéo, à la santé chancelante qui nous avait tant émus, de redevenir la grande figure politique tant admirée. Donnant longues et brillantes conférences de presse internationale, discours aux Assemblées, interviews et déclarations qui nous font tant regretter que Jeanne d’Arc n’ait connu ni la télévision ni le Président Nicolas Sarkozy qui l’aurait fait libérer. Mon Dieu, qu’est-ce qu’elle a raté ! Heureusement, vous non ! Vous n’avez rien raté. Ni la sortie haletante il y a six ans déjà, ni maintenant le retour triomphant.
Pour cela, nous souhaitons que vos valeureux libérateurs colombiens, Ingrid, ne subissent pas demain le sort du préfet Marchiani, libérateur lui d’autres otages au Liban et remercié par son emprisonnement actuel à la Santé.
Comme vous, nous félicitons tous le Président Sarkozy qui, en dépit des “caisses vides” et de “la France en faillite”, a pu permettre à Mélanie, son petit frère Lorenzo, leur petit cousin, leur tata et tous vos amis, de ne pas avoir dû attendre huit heures interminables pour le départ quotidien de l’avion de ligne Paris – Bogota et d’avoir pu vite sauter dans un avion spécial de la France, pour aller vous retrouver, vous maman du monde, dans la petite maison, enfin heureuse, de votre courageuse famille, membre du top des grandes infortunes latino-américaines.
Vous ne savez pas combien, nous, Languedociens et Catalans, nous nous réjouissons que notre pays ait pu consacrer à la réalisation de cet événement émouvant une enveloppe budgétaire supérieure à celle qui vient d’être affectée aux milliers de nos vignerons en grande difficulté, pris en otage par le libre-échange planétaire.
Notre bonheur à tous est d’autant plus grand qu’enfin libérée, Ingrid, vous allez pouvoir reprendre la noble lutte que vous avez toujours menée pour obtenir de l’hyper-classe sociale que vous connaissez la libération des enfants esclaves des mines, des travailleurs asservis dans les bananeraies de Chiquita, des femmes brisées dans les serres à roses ou les champs et de tous les travailleurs indiens ou non de l’Amazonie, des plateaux andins ou des favellas, dont les conditions de vie inhumaines, depuis toujours, ont servi de terreau à la révolte des FARC qui vous ont séquestrée et des autres mouvements qui les ont précédés.
Votre libération tant attendue augure bien de la présidence française de l’Union européenne qui va pouvoir maintenant se consacrer à d’autres libérations. Celles des millions de femmes et d’hommes à la vie et à l’avenir pris en otage par les politiques économiques malthusiennes stupides de l’Union européenne. Je pense, Ingrid, à nos paysans que vous aimez tant, aux victimes des délocalisations, à nos compatriotes malades enfermés dans l’angoisse de nos hôpitaux sous-équipés, tout comme aux papies et mamies, oubliés dans des maisons de retraite de la honte, jusqu’à y être 14 803 à en mourir de soif en août 2003. Juste au moment où vous, Ingrid, vous receviez, Dieu merci, de vos geôliers de l’eau pour vous hydrater et des dirigeants français le bénéfice d’une noble mobilisation, à 6 000 km de distance, pendant qu’ils oubliaient, en revanche, de s’intéresser à la vie de nos compatriotes âgés qui mouraient, eux, juste à leur côté.
Mais tout cela, c’est du passé. L’avenir c’est vous Ingrid. Et pas seulement pour la Colombie. Ni même pour la France où l’Élysée vous y serait pourtant réservé. De droit divin. Permettant aussi aux femmes de Marie de réussir là où Hilary a échoué : atteindre les sommets et y faire couler politiquement le miel et le lait. Que toutes les télévisions nous offrent depuis toutes ces journées où elles s’ouvrent à votre voix lactée.
Non ! Ingrid, offrez-nous, offrez-vous, un avenir planétaire. Sœur Theresa n’est plus là. Mandela est âgé. Gandhi est mort. Martin Luther King s’est réduit à Obama. Je ne vois plus que vous, et… Jacques Ségala, pour tout vous organiser.
Il avait déjà organisé, en effet, souvenez-vous, vos deux campagnes parlementaires victorieuses à Bogota. Avec des slogans que votre nouvelle piété rend incongrue de rappeler. Il aurait pu même oser fabriquer votre cassette vidéo bouleversante qui a fait chavirer la Terre sur son axe. Il saurait bien recycler aussi le célèbre clocher de la célèbre affiche avec le célèbre slogan : “Ingrid, la force fragile”.
Mais ce n’est plus de cela qu’il s’agit. Vous appartenez, Ingrid, à l’humanité. Nous vous attendons dans quelque chose à cette dimension. Certes, un prix Nobel de la paix. Pourquoi pas, en passant. Mais votre royaume, Ingrid, n’est pas dans ce petit hochet. Secrétaire général de l’ONU ? Mais il y a déjà eu un autre latino-péruvien : Perez de Cuellar. “Haut commissaire planétaire à la vie”, comme il y a un haut commissaire aux réfugiés ? C’est un peu cela que les opinions, de la France au Zimbabwe, frémissantes et passionnées, attendent. Une sorte de magistère, à la fois moral et planétisé. Souverain et pontife…
Ah ! Si seulement notre Sainte Église voulait, en un Vatican III, vous couronner… Ingrid, c’est là à Rome, que vous pourriez nous sauver. Vous nous montreriez le chemin dans cette jungle terrestre où nous sommes prisonniers pour nous conduire à la vie.
Mais vous connaissez la formule de celui qui, il y a 2 000 ans, conduisait aussi à la vie. Il disait, ma douce Ingrid : “Je suis la vérité. Je suis le chemin. Je vous mène à la vie”.
Il commençait, observez-le, Ingrid, par la vérité. S’il vous plaît alors, Ingrid, ma douce Ingrid, à genoux l’un et l’autre, dans le creux de l’oreille, sans Caracol ni TF1, en une communion sainte et fraternelle, pourriez-vous me dire la vérité ? La vérité qui libère. Juste la vérité. Ingrid. Ma douce Ingrid. La vérité !