Le site archéologique le plus célèbre du pays est menacé par les constructions illégales, le laisser-aller et des abus en tout genre, dénonce l’hebdomadaire Panorama.
On le surnomme l’”archéomonstre” : 3 000 mètres carrés d’acier au beau milieu des fouilles, là où jamais aucun promoteur immobilier n’aurait dû aller, dans une zone classée aux confins du jardin des Fuyards, où furent découverts les corps des habitants de Pompéi pétrifiés par le Vésuve en l’an 79 après J.-C.
La construction de cet “archéomonstre” est mise en œuvre par la Direction des affaires culturelles, dans l’indifférence générale [il s'agit de deux structures de 3 000 mètres carrés, une sorte de complexe "multifonctionnel" et "provisoire" destiné à l'accueil des touristes]. La situation échappe déjà à tout contrôle, comme le montre la crise des déchets en Campanie, qui a fait fuir 20 % des touristes depuis le mois de février 2008.
A l’entrée du site, le marché des guides touristiques clandestins rappelle celui des pays arabes. Au souk de Pompéi, des Japonais et des Américains paient jusqu’à 350 euros la visite d’une heure. Les Italiens paient un peu moins cher, entre 150 et 200 euros, alors que le prix officiel est de 95 euros. Il n’y a pas la moindre trace de document indiquant les tarifs, aucune facture n’est délivrée et la brigade des finances ne fait jamais de contrôle. Tout se négocie au noir depuis des années. Sauf le billet d’entrée : 11 euros.
A côté des tourniquets, un panneau annonce qu’il est interdit d’introduire besaces et sacs à dos dans le site. Mais ni les touristes ni les gardes n’y prêtent attention, à l’entrée comme à la sortie. Pourtant, chaque année, des centaines de pierres de Pompéi sont ainsi “exfiltrées”. Des souvenirs précieux et gratuits.
Une centaine de chiens errants vivent sur le site archéologique : ils sont sales, non vaccinés, souvent couverts de tiques. Les premiers sont arrivés avec les ouvriers, qui, à la fin du chantier, les ont abandonnés. Et, au fil du temps, les animaux se sont reproduits.
D’après la municipalité de Pompéi, chaque touriste laisse en moyenne 30 g de déchets au cours de sa visite. Si on multiplie ce chiffre par le nombre de visiteurs qui viennent chaque année, soit 2,5 millions de personnes, on obtient 75 tonnes de déchets par an.
En outre, les chiens ont la fâcheuse habitude de salir les monuments. A leur décharge (partielle), les hommes sont également responsables. “I didn’t know”, je ne le savais pas, crie le touriste américain lorsqu’on lui fait remarquer qu’il est inconvenant d’uriner sur les fresques. Le problème des toilettes à Pompéi est historique. Excepté dans les trois entrées, il n’y a qu’un seul W.-C. qui fonctionne sur tout le site. Oui, un seul W.-C. sur 44 hectares, pour les 5 000 touristes quotidiens, voire 20 000 à Pâques. Ce W.-C. se trouve dans le seul bar du site, qui par ailleurs lors de notre passage n’avait plus d’eau minérale : les touristes l’achètent au noir ou dans un restaurant tout près de la villa des Mystères, qui a percé un trou dans l’enceinte et vend l’eau librement.
L’un des mythes de Pompéi consiste à dire qu’il n’y a pas d’argent. Le site perçoit pourtant 20 millions d’euros par an environ et dans ses caisses gisent, inutilisés, 50 millions de fonds européens et du ministère des Biens culturels. En attendant, tout cet argent pourrait être utilisé pour l’aménagement d’un parcours pour les handicapés : rares sont les courageux qui s’aventurent en chaise roulante sur ces épouvantables chemins caillouteux. On pourrait également augmenter le nombre de gardiens : les touristes entrent par centaines dans les monuments qui ne peuvent accueillir que dix personnes à la fois, comme le Lupanar ou les thermes du Forum. On pourrait encore accélérer les travaux de restauration de certains monuments fermés depuis des années ou inaugurer les fouilles de la partie inexplorée de Pompéi : 100 hectares de terrains utilisés par les agriculteurs à condition qu’ils ne les irriguent pas. “A Pompéi, les agriculteurs font ce qu’ils veulent”, se lamente Giuseppe Visciano, mémoire historique du site. Sur des milliers de mètres courent des tuyaux de cinquante centimètres de diamètre pour irriguer courgettes, tomates et plantes ornementales. Sans oublier les serres : une dizaine sont en construction, car elles revalorisent les terrains. Lorsque l’Etat décidera enfin de se les approprier, il devra débourser des sommes phénoménales.