Trois ans après les émeutes dans les banlieues françaises, rien de vraiment tangible n’a changé dans les quartiers défavorisés, toujours gangrenés par le chômage, et les perspectives de récession y font craindre le pire.
«Nos gouvernants n’ont pas pris la mesure des problèmes», estime Mohamed Mechmache, président du collectif AC le feu, fondé après les émeutes et qui, il y a deux ans, avait présenté aux députés le résumé de 20 000 «doléances» rassemblées dans 120 villes de France. Les émeutes avaient éclaté le 27 octobre 2005 après la mort accidentelle de deux jeunes poursuivis par la police. Durant trois semaines, ces violences avaient fait des centaines de blessés, et plus de 10 000 véhicules et quelque 300 bâtiments, dont des écoles, avaient été incendiés.
«La situation est de plus en plus alarmante et une action publique de grande ampleur est une urgence» mais «la seule chose qui existe, ce sont des effets d’annonce», dénonce M. Mechmache.
Depuis la crise financière, «on a trouvé de l’argent pour les banques et les entreprises, mais quand le gouvernement va-t-il sérieusement s’occuper de trouver l’argent pour régler nos difficultés?», demande-t-il.
En juin, le gouvernement a lancé la mise en oeuvre d’un plan «Espoir-Banlieues» pour ces quartiers défavorisés où vivent quelque 5 millions de personnes, dont une forte proportion d’habitants originaires d’Afrique et où le chômage touche parfois jusqu’à 40% des jeunes.
L’ambition de ce plan sur trois ans, critiqué pour son manque de moyens, est de désenclaver ces banlieues, fournir du travail aux jeunes, lutter contre l’échec scolaire et la délinquance.
Et la secrétaire d’État chargée de la politique de la Ville Fadela Amara se veut optimiste. «Depuis le début je dis que je ne suis pas inquiète. Mon budget propre augmente de 9% en 2009 et le président Sarkozy a su mobiliser chaque ministère», explique-t-elle.
«On a commencé à décliner toutes les mesures du plan banlieue», dit-elle, citant pour l’éducation : «le busing (sortir les élèves de leur «ghettos» pour les scolariser dans des établissements d’autres quartiers, ndlr), les internats, le soutien scolaire en zones prioritaires».
En ce qui concerne l’emploi, le plan Espoir-Banlieue vise la création de 45 000 «contrats d’autonomie» pour les jeunes sur trois ans. Signés avec des organismes privés ou publics, ces contrats permettent d’assurer formation et suivi.
Mais sur le terrain, tout est très long à mettre en place. Les contrats d’autonomie par exemple, si tout se passe bien, ne seront que 4 300 d’ici la fin de l’année. «C’est vrai, il faut monter en puissance», concède Mme Amara.
Chez les élus de banlieue, en revanche, c’est l’inquiétude. François Pupponi, député-maire socialiste de Sarcelles, commune de la banlieue nord-est de Paris, se désespère. «On est touché de plein fouet par le chômage sur l’intérim», dit-il.
«On est inquiet aussi pour le logement», ajoute-t-il. «Les projets de rénovation urbaine commencent à ralentir. Maintenant, on nous dit qu’il n’y a plus d’argent», poursuit-il. «Dans le logement privé, c’est pareil. On arrivait à faire de l’accession à la propriété, mais là, les banques ne prêtent plus».
«Les différences territoriales se sont accrues depuis 2005», affirme le maire communiste de Sevran, également en banlieue parisienne, Stéphane Gatignon, pour qui «avec la crise, il va y avoir un nouveau décrochage».
«On ne peut pas prévoir les formes de la révolte mais il y en aura. Il faut un projet politique urgent» assure-t-il.