Hier, mardi 8 juillet à 6 h 30 du matin, 30 m3 d’effluents uranifères se sont déversés dans le sol de l’usine SOCATRI, située sur l’important site nucléaire du Tricastin. Spécialisée dans le traitement des matériels et effluents contaminés par de l’uranium, SOCATRI est également autorisée à entreposer sur son site des déchets de faible activité à vie longue. Hier matin, pour une raison encore inconnue, c’est un des réservoirs de la station de traitement des effluents uranifères de l’usine qui a débordé. Normalement, ce débordement aurait dû être sans conséquence puisqu’une seconde cuve, dite de rétention, est prévue pour parer à tout incident, or dans le cas présent, la cuve était en travaux et plus étanche.
Au final, selon l’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN), “Environ 30 m3 de solution uranifère, présentant une concentration d’environ 12 grammes d’uranium par litre, se sont alors déversés sur le sol. Ces effluents se sont d’une part infiltrés dans le sol à l’intérieur même de l’établissement SOCATRI et ont d’autre part rejoint la rivière La Gaffière, puis L’Auzon, via le réseau des eaux pluviales”.
Autrement formulé, sachant que 30 000 litres ont été déversés, c’est environ 360 kg d’uranium qui ont été dispersés dans la “nature”…Par mesure de précaution, des mesures de protection des populations locales ont été prises :
- interdiction de la consommation d’eau potable issue de captages privés sur les communes de Bollène, Lapalud et Lamotte-du-Rhône ;
- arrêt de l’irrigation agricole issue de la Gaffière et de l’Auzon ;
- interdiction des activités nautiques et de baignade sur les plans d’eau du Trop-Long, du Baltraces (Bollène) et des Girardes (Lapalud) ;
- interdiction de la pêche et de la consommation de poisson provenant de la Gaffière (y compris partie amont située dans la Drôme), l’Auzon, la Mayre Girarde et le lac du Trop-Long.
Mis à part les mesures ci-dessus, le discours officiel se veut dédramatisant, soulignant que sous l’effet de dilution dans les rivières la concentration en uranium est actuellement en rapide diminution et qu’en cas de consommation de poisson, l’impact sanitaire est très limité. Au niveau de la nappe phréatique entre la Gaffière et le Rhône, officiellement si aucun prélèvement n’a encore détecté sa contamination, il faudra plusieurs jours, voire semaines, avant d’être effectivement fixé sur son devenir, l’infiltration des eaux superficielles demandant du temps.
A l’inverse, pour la CRIIRAD (Commission de Recherche et d’Information Indépendantes sur la RADioactivité), ce rejet n’est pas anodin. En effet, sur la base d’une hypothèse qui n’est absolument pas maximaliste, la commission a calculé que la fuite qui s’est produite a conduit à un rejet dans l’environnement plus de 100 fois supérieur à la limite annuelle (plus de 700 fois la limite maximale mensuelle), et qu’en terme de concentration le dépassement est plus de 6 000 fois supérieur au seuil réglementaire. Ces valeurs sur lesquelles les autorités n’ont pas crû bon communiquer aujourd’hui, sont pourtant habituellement mises en avant lors de rejets inférieurs aux limites réglementaires…
Cela dit, pour pouvoir évaluer le niveau de risque réel, la composition exacte des effluents uranifères doit être connue, or pour le moment, ni la SOCATRI, ni l’ASN ne l’ont rendu publique. Toutefois, face à la répétition récente de fuites et de rejets radioactifs sur le site, la CRIIRAD vient d’annoncer qu’elle allait porter plainte contre la SOCATRI.